Je préfère vivre mes rêves,
plutôt que de rêver ma vie.
Bandhavgarh/Khana
Février/mars


Bandhavgarh

Le vol intérieur pour se rendre à Bandhavgarh avait pris quelque retard. Aussi j'arrivais sur les coups de 16h au lodge. Un retard qui ne m'empêcherait pas de me rendre immédiatement auprès de "mes" chers tigres. Je franchis les portes du parc une demie-heure plus tard pour trouver une petite cohue au bout de quelques minutes. Un couple de tigres avait été aperçu. Rien de tel pour se mettre dans le bain !

Comment expliquer ce bonheur sourd et profond qui m'anime lorsque je sais imminente une rencontre avec Shere Khan ? Peut-être est-ce les centaines d'observations qui ont créé un sorte de "lien" ? Peut-être que je réalise aussi la rareté (pour ne pas dire les derniers) de ces instants sauvages ? Peut-être.


Deux tigres apparaissent face à ma jeep.

Une tigresse suivie d'un énorme mâle.
Tous les 2 me sont inconnus !!!

Voilà la 1ère surprise de Bandhavgarh !

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Nous les suivons alors qu'ils longent
la petite rivière qui part de Sidi Baba.

Le mâle s'arrête et se frotte aux arbres, puis il s'élance sur l'un d'eux. Le voilà à 3 mètres de hauteur en train d'enserrer le tronc, telle une corde à grimper. De part et d'autre de l'écorce il se frotte. Ses pattes arrières sont à 1,50m du sol. Puis il se laisse tomber. Un comportement que je n'avais encore jamais observé chez un adulte de 250 kilos

Les tigres marquent le plus haut possible pour paraître plus grand (et donc plus fort) à leurs rivaux. Celui-ci est bien décidé à s'imposer! Lorsqu'il arrive face à moi, j'ai la vision de cette face magnifique parcourue de haut en bas par une gigantesque cicatrice. Assurement un mâle qui n'a pas peur des coups. D'ailleurs, il a déjà une admiratrice qui le suit partout ayant bien saisi l'aptitude de ce mâle à protéger une future famille.

B3 comme l'appelle déjà sans originalité les guides, ou "le balafré" comme je le nomme moi-même sans plus d'originalité, est en plein sur le territoire de Dithoo (B2). Le combat des rois est pour bientôt et je suis triste pour Dithoo, lui qui a permis à Bandhavgarh de prospérer, va devoir se retirer ou mourir comme l'on fait avant lui Charger et tous les tigres du domaine de Rewa.

Deux jours plus tard, voulant voir la nouvelle portée de Chakradara, nous la trouvons seule dans les rocailles herbeuses au-dessus de Ghorademon.

Un plaisir pour moi de revoir cette bonne mère qui élève sa 5e portée. Personne ne l'ayant vue pendant des mois, j'ai longtemps eu peur qu'elle n'ai été tuée.

La fin de matinée nous permettra de voir Churbara essayant de semer sans succès les éléphants du Tiger show.

Le 18 février est une date importante.

En bordure de Sera meadow, nous sommes des dizaines à attendre.

Bokha, le 2e mâle dominant est en train de répondre aux avances de sa fille (!).

La femelle rugit pour signifier ses intentions, et Bokha tourne autour de la tigresse.

Ils sont dans de hautes herbes, leur étreinte se confond avec la végétation et finalement la femelle rejette violemment le mâle à la fin de l'acte. Tous les 2 s'allongent ensuite à distance respectueuse. Nous attendons une suite aux ébats, mais rien ne vient, il fait trop chaud surement.

L'après-midi, toutes les jeeps du parc se retrouvent au même endroit. Mais les tigres n'aimant pas les paparazzis (humour) et plus certainement la chaleur, ils sont à présent dans la forêt au loin. Pour la photo, les choses ne seront pas faciles. Avec 200 m de distance jusqu' à mon sujet, je mets un converteur sur mon téléobjectif. Cependant il n'y a presque plus d'herbe et ç'est une bonne chose. ll faudra faire vite et bien en l'espace de 30 secondes, durée de l'étreinte et de la copulation.

Les tigres s'étreindront 3 nouvelles fois en notre présence.

De retour au lodge, j'ai l'immense privilège d'être présenté à Kakoubai Kotari qui est le meilleur photographe de tigres à ce jour. La simplicité de ce septuagénaire est vivifiante. Au coin du feu je lui montre les photos de l'après-midi et celle de mon futur livre. Lui et ses 2 amis, qui connaissent si bien les difficultés à bien photographier les gros chats rayés, me prodiguent leurs encouragements pour mon travail.

Note:Tous les gens présents ont été ravis d'assister à ces scènes. Mais combien savent-ils la chance qu'ils ont eu de voir ces rarissimes moments d'intimité chez des tigres à l'état sauvage ?
Pour ma part, je sais qu'il m'aura fallu plus de 300 safaris et l'observation d'une centaine de tigres différents pour avoir cette chance. Avec ces scènes, mon livre en préparation aura donc le privilège d'avoir l'éventail complet des aspects de la vie du tigre sauvage.

Quelques jours plus tard, je retrouve Jhurjura en train de s'abreuver à Mahaman dam.

En fin d'après-midi, une des filles de Chakradara coupe la route entre une haie d'honneur que lui font les jeeps. A la fin de son passage, la tigresse stressée se met à courrir.

Mon séjour à Bandhavarh s'achève.

Peu d'observations comme c'est le cas en cette période, mais quelles observations !

Khana

La nature est d'une beauté resplendissante en cette saison. Les arbres sont couverts d'un feuillage du plus beau vert et certains mettent des feuilles rouges comme première parure. Lorsque nous traversons les forêts, nous sommes fascinés par les magnifiques contre-jours dans les sous-bois.

Les prairies sont couvertes d'une herbe encore rase. La conséquence est que nous voyons quantité de petits animaux difficilement visibles lorsque l'herbe à éléphant méritera son nom.

Ainsi les chats de la jungle, les "jungle cats", que je ne voyais qu'une à deux fois lors de mes précédents voyages. Cette fois-çi, sur mes 9 jours passé à Khana, c'est 8 animaux que j'observerais.

Toujours très furtif, cet animal est difficile à bien photographier. La couleur de sa robe est absolument identique à son environnement et sa petite taille le rende indiscernable.

Autre animal très visible, le chacal.

Toujours en quête de restes à terminer, ils sont constamment en maraude. Souvent on les rencontre par paires dans les parties ouvertes du parc.

En mal de tigres depuis plusieurs jours, je déroge à ma règle et m'accorde de faire un Tiger show. Alors que j'attends mon éléphant, le tigre repéré bouge et vient vers nous.

Un touriste est descendu de sa jeep et s'approche vers lui pour prendre de "bonnes photos" ?!

Après un passage à quelques mètres des jeeps, le tigre replonge dans les herbes, puis il se couche à l'ombre.

Je peux alors lui rendre visite à dos d'éléphant.

Le lendemain, après une demie-matinée infructueuse, nous trouvons quelques chiens sauvages sur notre piste.

A plusieurs reprises les jours suivants, nous trouverons d'autres chiens sauvages (wild dogs) à différents endroits du parc. Les troupes sont de petites tailles.

L'après-midi se passera à photographier les gaurs, subite (?) passion de mon compagnon de jeep.

Ce gros bovidé de plus d'une tonne n'est placide qu'en apparence. L'un d'entre eux qui venait calmement vers nous a subitement plongé dans les bambous après avoir entendu le déclic de mon appareil photo !!!

L'un des meilleurs moments de mon séjour à Khana se produisit le lendemain. Vers 7h du matin, sur la piste, un énorme léopard mâle, enfin disons qu'il avait bien mangé.

Nous le suivons quelques minutes, mais malheureusement au détour d'une petite côte arrive une jeep. Ce qui a pour effet de faire fuir l'animal.

Heureusement le léopard réapparaît après avoir contourné les véhicules.

Mais l'autre jeep, malgré ma demande de ne pas se précipiter sur l'animal, n'en fait qu'à sa tête et fonce pour nous passer devant et piler net.

Résultat, un nuage de poussière, pour des photos qui s'annoncaient sous les meilleures auspices.

Le léopard disparu, je tourne mon regard vers l'autre jeep. Le conducteur est hilare. Il a fait des gros plans sur son téléphone portable...

En fin d'après-midi, nous pouvons savourer un long moment du bain des barasinghas, ces magnifiques cerfs très rares.

Ce jour est un jour mémorable car nous aurons vu 1 léopard, 3 jungle cats, 3 ours lippus, 1 tigre, quantité de chacals, de barasinghas et autres cervidés. Un condensé du livre de la jungle en quelques heures.

Les jours suivants, en fin d'après-midi, nous trouvons plusieurs fois des ours lippus.

Là encore c'est assez inhabituel car c'est un animal très discret. En cette période, ils descendent dans la prairie pour chercher des termites dans les vieilles souches.

Nous décidons que nous utiliserions nos derniers jours à explorer les nouvelles zones peu visitées de Sarhi et Mukkhi.

Sarhi zone demande encore quelques années de régénération avant que la chaine de la nature remette complètement en place ce que l'homme a détruit par son occupation récente.

Sur la photo, quelques nilgauts.

Le lendemain, en chemin pour Mukkhi, dans la forêt de Kisli, une belle rencontre:

Sa majesté le tigre.

Chaque fois que je visite Khana, je vais dans ce coin et j'y ai toujours eu de superbes opportunités, seul sur les pistes. (voir mes autres carnets)

L'avant-dernier jour, après avoir vu des chiens sauvages, je choisis une nouvelle fois de faire un Tiger show. Je trouve le tigre près d'une petite rivière.

Le dernier jour, nous ne pourrons pas aller dans le parc, les guides et gardes forestiers étant en grève pour protester contre les mauvaises conditions de relocalisation d'une tigresse qui doit aller à Panna. Comme d'autres touristes, je les soutiens.

Une extraordinaire expérience à Bandhavgarh.

Et Khana qui ne déçoit jamais et m'offre chaque fois un beau léopard en prime. Notez que la faune visible à cette époque, l'est beaucoup moins par la suite.


Voir Galerie photo n° 7 (à venir)


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